Jérémie Eskenazi :«L’internaute cherche un mot, une image, un lien qui lui montre qu’il est sur la bonne voie »
Jérémie Eskenazi a fondé Miratech en 2005. Depuis 4 ans, les experts de cette société analysent la manière dont les utilisateurs naviguent en ligne grâce à la technique du suivi oculaire, l'"Eyetracking". Aujourd'hui, pour nous, il fait le point sur la manière dont les internautes lisent en ligne.
D’après vos résultats d’étude, est-ce que les internautes lisent en ligne ?
La plupart du temps, les internautes ne lisent pas en ligne. Ils scannent. Peter Pirolli explique bien ce phénomène qu’il appelle "informavore" dans son livre "Information Foraging Theory ". L’internaute va vers les données qui lui semblent le plus dense en terme d’information. Il cherche un mot, une image, un lien qui lui montre qu’il est sur la bonne voie.
Un regard dure ¼ de seconde, cela représente quelques lettres, un mot. Si l’internaute a en tête des "chaussures pour bébé", ses yeux vont s’attacher à des mots précis ou des images qui lui indiquent qu’il se trouve sur le bon chemin d’infos. Il va sur les pages qui lui évoquent la "chaussure pour bébé". Dans ce cadre-là, l’internaute cherche, il ne lit pas.
Donc si un site Internet place un texte d’introduction sur sa page d’accueil type : "Bébé +, le premier site de France qui propose des chaussures pour bébé », il y a peu de chances que l’internaute le lise. Dans un contexte de recherche, ce bloc de texte représente un "bruit informationnel".
Ce bruit informationnel doit-il être supprimé ?
Ce texte peut donner une idée du site, sécurité, fiabilité. Une information consacrée à la fiabilité du site ne sera pas forcément lue. Mais l’internaute va enregistrer la phrase comme une information inconsciente « ce site à l’air sérieux. » Il va percevoir une forme de garantie sur le site.
En fait, il s’agit de simplifier l’information au maximum afin que le bruit reste efficace. Si on veut dire qu’un site est fiable mieux vaut mettre « 100% Sécurité » ou quelque chose comme cela, plutôt qu’un long blabla. Surtout, il faut éviter le discours marketing.
Et lorsque l’internaute a trouvé l’info qu’il cherchait, comment lit-il ?
Là il se met à lire de gauche à droite. Il va sur le titre, le premier paragraphe, se laisse distraire par l’image, revient sur le paragraphe.
« Le seul cas où on lit de gauche à droite, c’est quand on lit un texte, avec l’intention de le lire en entier et d’en comprendre le contenu. C’est le cas quand on lit un article de journal. En revanche, lorsqu’on « scanne » rapidement un texte pour trouver une information, le chemin de lecture de gauche à droite n’est plus valable. Dans ce cas, l’œil saute aléatoirement de phrase en phrase et de paragraphe en paragraphe pour trouver l’information recherchée. C’est ce qu’on appelle la lecture « en diagonale », même si le regard ne fait pas nécessairement une diagonale sur la page » On ne lit pas les pages de gauche à droite, extrait de la newsletter Miratech.