Ergonomie éditoriale : adapter le contenu web à l'usage.
Il faut écrire en "mode scan". Oui, mais que se passe t-il si mes internautes recherchent une information plus fouillée ? Ecrivez des titres explicites. Oui, mais si mes internautes aiment le style décalé-pas-explicite de mon blog, dois-je faire comme tout le monde ?
L'ergonomie web nous a apporté de merveilleux préceptes. Et le premier d'entre tous est celui-ci : mettez-vous dans la peau de vos utilisateurs web. Je lis régulièrement (toujours avec grand intérêt) les articles du gourou américain de l'ergonomie Jakob Nielsen. La plupart de ceux consacrés à la rédaction web disent en substance ceci : "les internautes ne lisent pas, svp épargnez leurs souffrances : rédigez court." Or malgré tout le respect que je dois à ce pionnier du genre, ces affirmations sont incomplètes, voire erronées si l'on en croit les études de comportement réalisées récemment.
L'étude Eyetrack menée par le Poynter Institute en 2007 montrait par exemple que les internautes lisent en profondeur sur les magazines en ligne, voire même plus longtemps que sur les magazines papier. Pour s'en convaincre, il suffit de lire les key findings de l'Etude Eyetrack07.
D'autres études sérieuses ont été menées depuis, et notamment celle-ci en 2008 (doc pdf):"Search is now normal behaviour. What do we do about that ?", réalisée sur la manière dont les internautes recherchent l'information sur le site de l'UK OPEN University. Voici un extrait de cette excellente analyse (désolée pour ma traduction inexacte. Si quelqu'un connait une version française, n'hésitez pas), "How do visitors read the pages on the site ?" :
"L'analyse du site montre que le temps moyen de visite par page du site web dépasse la minute. Or, en comptant 3 clics pour accéder à une page de contenu et une estimation généreuse de 10 secondes pour chaque clic, cela donne 3 minutes 30 secondes passées en réalité sur le contenu web : loin d'un schéma de lecture "skim and scan".
Cela correspond aux observations réalisées lors de nos tests utilisateurs. Quand les visiteurs arrivent sur les pages de contenu d'un site, il s'arrêtent et lisent intensément.
Ce que l'on peut conclure, c'est que sur ce site Internet au moins, les gens lisent. Nous avons souvent entendu dire que les gens scannaient et cherchaient leur chemin à travers les pages web. Et nous avons observé ce comportement sur ce site web aussi. Mais seulement sur certaines pages : celles que Ginny Redish décrirait comme "scan, select, and move on."
Cela nous a aidé à décider que les longues pages étaient une solution appropriée pour des informations de type description d'un cours, dès lors que nous gardions une bonne signalisation en haut de page."
Ces deux études très sérieuses, menées avec grand soin, montrent que les internautes lisent de longs textes sur le web, mais simplement pas sur toutes les pages d'un site Internet. Les internautes scannent à la recherche de toutes sortes d'infos et parfois (souvent), ils scrollent et peuvent lire de longs textes s'ils en ont besoin. Le contenu éditorial doit savoir s'adapter aux usages et aux besoins des internautes.
L'écrit web n'est pas une science empirique. On ne peut pas dire "écrivez toujours court, explicite". Certes, il faut respecter certains principes comme celui de la pyramide inversée avec les informations les plus importantes en haut de la page, les paragraphes courts avec une seule idée, les titres en gras le plus souvent possible.
Mais il ne faut pas vouloir faire court à tout prix et passer systématiquement les textes à la moulinette sous prétexte de l'écrit web. La longueur, la nature même des textes doit s'adapter aux attentes de l'internaute. Si les lecteurs recherchent un dossier de fond de 6000 signes, ils seront déçus avec un article de 1500 signes, s'ils recherchent un formulaire en pdf, ils doivent pouvoir le trouver facilement. Et les lecteurs de Presse-citron qui adorent les titres teasing-décalés-pas-explicites d'Eric Dupin doivent pouvoir continuer à rire en découvrant les titres sur Netvibes.
Voilà le véritable sens de l'ergonomie éditoriale web : l'écriture doit se mettre au service de l'usage des internautes et non respecter des règles basées sur des études qui doivent encore être largement vérifiées et approfondies.
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